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obéissance à leur supérieure. Son ressentiment ne se ralentissait point. Mon projet d’évasion avait été découvert par le prieur des capucins, elle croyait avoir perdu dans son opinion par mon déshonneur, et elle m’en gardait une haine invétérée ; elle dit aux nonnes chargées de me garder que ma faute était de la plus odieuse nature, qu’aucune souffrance ne la pouvait égaler, et qu-à moins de punir mon crime avec la dernière rigueur, rien ne me préserverait de la perdition éternelle. La parole de la supérieure est trop souvent un oracle pour les habitantes d’un couvent. Les nonnes crurent tout ce qu’il plut à l’abbesse d’affirmer, quoiqu’elle eût contre elle la raison et la charité. Elles n’hésitèrent pas à admettre la vérité de ses arguments ; elles suivirent ses injonctions à la lettre, et furent pleinement convaincues que me traiter avec douceur, ou montrer la moindre pitié pour mes maux, serait le vrai moyen de m’ôter toute chance de salut.

« Camille, qui s’occupait plus de moi, fut particulièrement chargée par l’abbesse de me traiter avec dureté : soumise à ces ordres, elle tâchait fréquemment de me prouver la justice de mon châtiment et l’énormité de mon forfait ; elle me disait de me croire trop heureuse de sauver mon âme en mortifiant mon corps, et même, parfois, elle me menaçait de la damnation éternelle. Cependant, comme j’en ai déjà fait la remarque, elle finissait toujours par des mots d’encouragement et de consolation ; et d’ailleurs, quoique prononcées par la bouche de Camille, je reconnaissais facilement les expressions de l’abbesse. Une fois, une seule fois, celle-ci me visita dans mon cachot ; elle me traita avec la plus inexorable cruauté ; elle m’accabla de reproches, de sarcasmes sur ma fragilité ; et quand j’implorai sa pitié, elle me dit de m’adresser au ciel, car je n’en méritais pas sur la terre ; elle