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dans mon sein, et prier pour son salut. Je fus bientôt privée de cette triste occupation : le manque de soins convenables, l’ignorance de mes devoirs de mère, le froid perçant du cachot, et l’air malsain que respiraient ses poumons, terminèrent la courte et pénible existence de mon pauvre petit. Il expira peu d’heures après sa naissance, et j’assistai à sa mort dans des angoisses impossibles à décrire.

« Mais mon chagrin était inutile. Mon enfant n’était plus, et tous mes soupirs ne pouvaient un seul instant ranimer la frêle créature. Je déchirai la couverture qui m’entourait, et j’en enveloppai mon joli enfant. Je le mis sur mon sein, son petit bras passé autour de mon cou, et sa joue pâle et froide sur la mienne. Ainsi reposaient ses membres inanimés, et je le couvrais de baisers, et je lui parlais, et je pleurais et gémissais sur lui jour et nuit sans relâche. Camille venait régulièrement dans ma prison toutes les vingt-quatre heures m’apporter de la nourriture. En dépit de son cœur de roche, elle ne put voir ce spectacle sans être émue ; elle craignit qu’un chagrin si excessif ne finît par me rendre folle : et le fait est que je n’étais pas toujours dans mon bon sens. Poussée par la compassion, elle me pressa de laisser enterrer le corps : mais jamais je n’y voulus consentir ; j’avais fait le vœu de ne m’en séparer qu’avec la vie : sa présence était ma seule consolation, et aucune instance ne put me décider à l’abandonner. Il devint bientôt un amas de putréfaction, et pour tout œil un objet d’horreur et de dégoût, pour tout œil excepté pour celui d’une mère. Vainement cette image de la mort repoussait en moi les instincts de la nature ; je luttai contre cette répugnance et j’en triomphai : je persistai à tenir mon enfant contre mon sein, à le pleurer, à l’aimer, à l’adorer ! Que d’heures j’ai passées sur mon