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Dieu veuille que ce soit bientôt, afin que tu ne tires pas de consolation du fruit de ton iniquité ! »

« Ce discours inhumain, les menaces qu’il contenait, les terribles souffrances qui m’étaient prédites par l’abbesse, et ses vœux pour la mort de mon enfant, que j’adorais déjà quoiqu’il ne fût pas né, furent plus que mon corps épuisé ne put supporter. Poussant un profond gémissement, je tombai sans connaissance aux pieds de mon inexorable ennemie. Je ne sais pas combien de temps je restai dans cet état ; mais j’imagine que je fus longue à revenir, car dans l’intervalle la supérieure et ses nonnes avaient quitté le souterrain. Quand je repris l’usage de mes sens, je me trouvai dans le silence et la solitude ; je n’entendis même pas s’éloigner mes bourreaux. Tout était muet et tout était effrayant ! On m’avait jetée sur le lit de paille : la chaîne pesante que j’avais déjà regardée avec terreur m’entourait le corps et m’attachait à la muraille ; une lampe qui éclairait le cachot de ses sombres et lugubres rayons, me permit d’en distinguer toute l’horreur. Il était séparé du souterrain par un mur de pierre bas et irrégulier ; on y avait laissé une grande ouverture qui servait d’entrée, car il n’y avait pas de porte. Un crucifix de plomb était en face de mon lit de paille. Près de moi étaient une couverture en lambeaux ainsi qu’un chapelet, et un peu plus loin une cruche d’eau, un panier d’osier contenant un petit pain et une bouteille d’huile pour remplir ma lampe.

« J’examinai d’un œil découragé ce théâtre de souffrance. Quand je songeais que j’étais condamnée à y passer le reste de mes jours, une angoisse amère déchirait mon cœur. On m’avait appris à compter sur un sort si différent ! Il fut un temps où l’avenir se montrait si brillant,