Page:Lewis - Le Moine, Tome 2, trad Wailly, 1840.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Mon sang se glaça à la vue de ce lugubre séjour ; les vapeurs froides suspendues en l’air, les murs verts d’humidité, le lit de paille si dur, si délaissé, les fers destinés à m’enchaîner pour jamais à ma prison, et les reptiles de toute espèce que je vis regagner leurs trous à mesure que la torche approchait d’eux, me frappèrent l’âme de terreurs presque trop violentes pour être supportées. Folle de désespoir, je m’arrachai des mains qui me tenaient ; je me jetai à genoux devant l’abbesse, et j’implorai sa pitié dans les termes les plus passionnés et les plus frénétiques : « Si ce n’est pas sur moi, » dis-je, « jetez du moins un regard de pitié sur l’être innocent dont la vie est attachée à la mienne ! Mon crime est grand, mais que mon enfant n’en souffre pas ! il n’a pas commis de faute, lui ; oh ! épargnez-moi par égard pour cet enfant, que votre sévérité condamne à périr avant de naître ! »

« L’abbesse recula brusquement, et me força de lâcher sa robe, comme si mon attouchement eût été contagieux.

« Quoi ! » s’écria-t-elle d’un air exaspéré : « quoi ! osez-vous plaider pour le produit de votre honte ? faut-il laisser vivre une créature conçue dans un péché monstrueux ? Femme abandonnée, ne m’en parlez plus ! il vaut mieux pour le malheureux périr que de vivre : engendré dans le parjure, dans l’incontinence, dans la souillure, il ne peut manquer d’être un prodige de vice. Entends-moi, fille coupable ! n’attends de moi aucune pitié, ni pour toi, ni pour ton avorton ; prie plutôt que la mort te saisisse avant de le mettre au jour ; ou s’il doit voir la lumière, que ses yeux se referment aussitôt pour jamais. Personne ne t’assistera dans les douleurs de l’enfantement : mets toi-même au monde ton rejeton, nourris-le toi-même, soigne-le toi-même, enterre-le toi-même, et