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grossière. Pleurez, ma fille, pleurez ; humectez votre pain de larmes : Dieu sait que vous avez un ample sujet de chagrins ! Enchaînée dans un de ces cachots secrets, séparée à jamais du monde et de la lumière, sans autre consolation que la religion, sans autre société que le repentir : voilà comme vous devez passer à gémir le reste de vos jours. Tels sont les ordres de Sainte-Claire ; soumettez vous-y sans murmure. Suivez-moi ! »

« Foudroyée par ce décret barbare, le peu de force qui me restait m’abandonna, je ne répondis qu’en tombant à ses pieds, et en les baignant de pleurs. L’abbesse, insensible à mon affliction, se leva d’un air imposant : elle répéta son commandement d’un ton absolu ; mais l’excès de ma faiblesse me rendit incapable d’obéir. Marianne et Alix me relevèrent, et m’emportèrent dans leurs bras. La supérieure s’avança, appuyée sur Violante, et Camille la précéda avec une torche. Ainsi passa notre triste procession par les galeries, dans un silence interrompu seulement par mes soupirs et mes sanglots. Nous nous arrêtâmes devant la châsse principale de sainte Claire ; la statue avait été enlevée de son piédestal, sans que je susse comment. Les nonnes levèrent une grille, cachée jusqu’alors par la sainte, et la firent retomber de l’autre côté avec fracas. Ce bruit effrayant, répété au-dessus et au-dessous de moi par les caveaux et le souterrain, me réveilla de l’accablement apathique où j’étais plongée. Je regardai devant moi, et à mes yeux épouvantés se présenta un abîme et un escalier rapide et étroit où on me conduisait. Je jetai un cri, et reculai ; je demandai grâce, je remplis l’air de mes lamentations, et j’invoquai le ciel et la terre à mon secours. Ce fut en vain ! On m’emporta dans l’escalier et on me fit entrer de force dans une des cellules qui garnissaient les côtés du souterrain.