Page:Lewis - Le Moine, Tome 2, trad Wailly, 1840.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

veau, ainsi que ses compagnes ; elle prit le siège que je venais de quitter : la porte fut refermée, et les nonnes se rangèrent derrière leur supérieure ; la flamme de leurs torches, obscurcie par les vapeurs et l’humidité du caveau, dorait de froids rayons les tombes environnantes. Pendant quelques moments, elles gardèrent toutes un morne et solennel silence. J’étais à quelque distance de l’abbesse ; enfin elle me fit signe d’avancer. Épouvantée de son aspect sévère, j’avais a peine la force d’obéir. Je m’approchai ; mais mes jambes ne purent supporter leur fardeau : je tombai à genoux, je joignis les mains, et les lui tendis suppliantes, sans être en état d’articuler une syllabe.

« Elle me regarda d’un œil courroucé.

« Vois-je une pénitente ou une criminelle ? » dit-elle enfin : « est-ce le remords du crime ou la crainte du châtiment qui lève ces mains vers moi ? ces pleurs reconnaissent-ils la justice de la sentence, ou ne font-ils que solliciter l’adoucissement de la peine ? De ces motifs, je le crains bien, c’est le dernier ! »

« Elle s’arrêta, mais elle tenait toujours ses yeux fixés sur moi.

« Prenez courage, » continua-t-elle ; « je ne désire pas votre mort, mais votre repentir ; le breuvage que je vous ai administré n’était pas un poison, mais un narcotique. Mon intention en vous trompant a été de vous faire ressentir les tortures d’une conscience coupable, qui se voit surprise par la mort avant l’expiation de ses crimes. Vous avez souffert ces tortures ; je vous ai familiarisée avec l’amertume de la mort, et j’espère que vos angoisses momentanées deviendront pour vous un bien éternel. Ce n’est pas mon dessein de détruire votre âme immortelle, et de vous plonger au tombeau toute chargée de péchés. Non, ma fille ; loin de là, je vous purifierai par un châ-