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inutilement à appeler du secours. Souvent je fus sur le point de me frapper la tempe à l’angle de quelque monument, de me faire jaillir la cervelle, et de terminer ainsi tous mes maux ; mais le souvenir de mon enfant triomphait de ma résolution ; j’avais peur d’une action qui mettait en danger sa vie autant que la mienne : alors j’exhalais ma douleur en lamentations et en cris de rage : et de nouveau retombant en faiblesse, je m’asseyais silencieuse et morne sur le piédestal de la statue de sainte Claire, les bras croisés, et abandonnée à un sombre désespoir. Ainsi se passèrent plusieurs cruelles heures. La mort avançait à grands pas, et je m’attendais que chaque nouvel instant serait le dernier. Soudain une tombe voisine frappa mes regards ; sur elle était un panier que je n’avais pas encore remarqué. Je me levai : j’y courus aussi vite que mon corps épuisé me le permit. Avec quel empressement je saisis le panier, lorsque je vis qu’il contenait un pain grossier et une petite bouteille d’eau.

« Je me jetai avec avidité sur ces humbles aliments. Selon toute apparence, ils étaient dans le caveau depuis plusieurs jours. Le pain était dur et l’eau corrompue ; mais jamais nourriture ne me parut si délicieuse. Quand les exigences de la faim furent satisfaites, je me mis à faire des conjectures sur cette nouvelle particularité. Je me demandai si c’était pour moi que le panier avait été mis là. L’espoir résolvait affirmativement mes doutes ; mais qui pouvait deviner que j’eusse besoin d’un tel secours ? Si on me savait en vie, pourquoi me retenir dans ce lugubre caveau ? si l’on me gardait prisonnière, pourquoi la cérémonie de mon enterrement ? ou, si j’étais condamnée à périr de faim, à la pitié de qui étais-je redevable des provisions placées à ma portée ?

« Une amie n’aurait pas tenu secrète ma terrible puni-