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cette époque, modérez votre impatience. Rappelez-vous que vous m’avez fait le serment solennel de ne pas chercher à connaître les aventures de cette nuit ; j’insiste pour que vous teniez ce serment : car, » ajouta-t-elle en souriant et en imprimant sur ses lèvres un baiser lascif, « si je vous pardonne d’avoir manqué de parole à Dieu, j’espère que vous me serez plus fidèle. »

Le moine rendit le baiser qui avait embrasé son sang. Tous les excès luxurieux de la nuit précédente se renouvelèrent, et les amants ne se séparèrent que lorsque la cloche sonna matines.

Les mêmes plaisirs se répétèrent souvent. Les moines se réjouissaient de la guérison inespérée du faux Rosario, et aucun d’eux ne soupçonnait son véritable sexe. Le prieur était possesseur tranquille de sa maîtresse, et, se voyant à l’abri du soupçon, il s’abandonnait à ses passions en pleine sécurité. La honte et le remords ne le tourmentaient plus : un fréquent usage lui avait rendu ce péché familier, et son sein devint à l’épreuve des aiguillons de la conscience. Mathilde l’encourageait dans ces sentiments ; mais elle s’aperçut bientôt qu’elle l’avait rassasié par la liberté illimitée de ses caresses : avec l’habitude, ses charmes cessèrent d’inspirer les mêmes désirs qu’auparavant ; le délire de la passion calmé, il eut le loisir de remarquer les moindres imperfections, et où il n’en existait pas, la satiété en inventait. Le moine avait été gorgé de voluptés ; une semaine était à peine écoulée qu’il fut las de sa maîtresse : la chaleur de son tempérament lui faisait encore chercher dans les bras de Mathilde la satisfaction de ses désirs ; mais dès que son emportement était apaisé, il la quittait avec dégoût, et son humeur, naturellement inconstante, lui faisait souhaiter le changement avec impatience.