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les vœux qu’elle faisait pour sa guérison. Elle s’en acquittait avec tant de délicatesse, la manière dont elle parlait d’Antonia était si tendre et si touchante, et lorsqu’elle déplorait la triste destinée de sa rivale, ses yeux brillants étaient si beaux au travers des larmes, que Lorenzo ne pouvait la voir ni l’écouter sans émotion. Chaque jour la société de Virginie semblait lui faire un plaisir nouveau, et il parlait d’elle avec plus d’admiration : ses parents aussi bien que l’intéressée le remarquaient ; mais ils gardaient prudemment leurs observations pour eux ; aucun mot ne leur échappait, qui pût faire soupçonner leur dessein. Ils restaient fidèles à leur plan de conduite, et laissaient le temps mûrir et transformer en un plus vif sentiment l’amitié que Lorenzo éprouvait déjà pour elle.

Les visites de Virginie cependant devenaient plus fréquentes ; et enfin il n’y eut plus guère de jour dont elle ne passât une partie près de lui. Peu à peu il recouvra ses forces, mais les progrès de sa convalescence étaient lents et douteux. Un soir, il sembla être moins abattu qu’à l’ordinaire : Agnès et son amant, le duc, Virginie et ses parents, étaient assis autour de lui ; pour la première fois, il pria sa sœur de lui apprendre comment elle avait échappé aux effets du poison que Sainte-Ursule lui avait vu boire. Craignant de lui rappeler des scènes dans lesquelles Antonia avait péri, elle lui avait jusqu’alors caché l’histoire de ses souffrances. Maintenant qu’il amenait lui-même l’entretien sur ce sujet, elle pensa que peut-être le récit de ses malheurs pourrait le détourner de la contemplation de ceux qui l’occupaient trop constamment, et elle acquiesça sur-le-champ à la demande qu’il faisait. Le reste de la compagnie avait déjà entendu son histoire : mais l’intérêt que tous les assistants por-