Page:Lewis - Le Moine, Tome 2, trad Wailly, 1840.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mal à des fiançailles. Ses espérances déçues au moment où il s’attendait à les réaliser, l’avaient cruellement affecté. Le duc le trouva malade au lit ; on avait de sérieuses inquiétudes pour sa vie : mais son oncle ne les partagea pas. Son avis était, et il n’avait pas tort, que « des hommes sont morts, et les vers les ont mangés, mais ce n’était pas d’amour ». Il se flattait donc que, toute profonde que pouvait être l’impression faite sur le cœur de son neveu, le temps et Virginie sauraient l’effacer. Il courut chez le jeune affligé et tâcha de le consoler : il compatit à sa douleur, mais l’exhorta à résister à l’envahissement du désespoir. Il convint qu’il était impossible de ne pas être ébranlé d’un choc si épouvantable, et de le blâmer d’y être sensible ; mais il le conjura de ne point se consumer en regrets superflus, de lutter plutôt contre la douleur et de conserver la vie, sinon pour lui-même, au moins pour ceux qui lui étaient tendrement attachés. Tout en travaillant ainsi à faire oublier à Lorenzo la perte d’Antonia, le duc faisait une cour assidue à Virginie, et saisissait toutes les occasions de servir auprès d’elle les intérêts de son neveu.

Il est facile de présumer qu’Agnès ne fut pas longtemps sans demander des nouvelles de don Raymond. Elle fut peinée d’apprendre la triste situation où le chagrin l’avait réduit ; cependant elle ne put s’empêcher de triompher secrètement, en songeant que sa maladie prouvait la sincérité de l’amour. Le duc se chargea lui-même d’annoncer au malade le bonheur qui l’attendait. Quoique pour le préparer à un tel événement, il n’eût négligé aucune précaution à ce passage soudain du désespoir au bonheur, les transports de Raymond furent si violents qu’ils faillirent lui être funestes. Une fois cet accès passé, la tranquillité d’esprit, la certitude d’être