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laquelle on l’écoutait, les fréquents soupirs qu’on laissait échapper, et l’empressement qu’on mettait à chaque digression à ramener la conversation sur le sujet dont elle s’était écartée, suffirent pour convaincre Agnès que les soins de son frère seraient loin d’être désagréables. Elle se hasarda enfin à parler au duc de ses désirs. Quoique Virginie lui fût personnellement inconnue, il savait assez qui elle était pour la juger digne de la main de son neveu. Il fut donc convenu entre l’oncle et la nièce qu’elle insinuerait cette idée à Lorenzo, et elle attendait qu’il revînt à Madrid pour lui proposer d’épouser son amie. Les malheureux événements qui eurent lieu dans l’intervalle l’empêchèrent d’exécuter son dessein. Virginie la pleura sincèrement et comme compagne et comme la seule personne à qui elle pût parler de Lorenzo : son cœur continua en secret d’être la proie de sa passion, et elle s’était presque déterminée à avouer ses sentiments a sa mère, lorsque le hasard lui en représenta l’objet ; en le voyant si près d’elle, si poli, si sensible, si intrépide, elle avait senti s’accroître l’ardeur de son affection. Quand elle vit que son amie, que sa conseillère lui était rendue, elle la regarda comme un présent du ciel ; elle osa nourrir l’espérance d’être unie à Lorenzo, et résolut d’user sur lui de l’influence de sa sœur.

Supposant qu’avant de mourir Agnès avait pu faire sa proposition, le duc avait mis sur le compte de Virginie toutes les idées de mariage de son neveu : en conséquence, il leur avait fait le plus favorable accueil. De retour à son hôtel, le récit de la mort d’Antonia et de la conduite de Lorenzo en cette occasion lui fit voir sa méprise, il déplora ces malheurs ; mais la pauvre fille se trouvant mise de côté, il compta sur la réussite de son plan. Il est vrai que la situation de Lorenzo le disposait