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était l’objet, la nourriture saine dont elle avait été longtemps privée, et la joie d’être rendue à la liberté, à la société, et, elle osait l’espérer, à l’amour, tout se réunit pour accélérer son rétablissement. Du premier instant qu’elles s’étaient connues, sa triste position, ses souffrances presque incomparables, lui avaient valu l’affection de son aimable hôtesse. Virginie sentait pour elle le plus vif intérêt : mais quel ravissement elle éprouva lorsque, suffisamment rétablie pour raconter son histoire, la nonne captive se trouva être la sœur de Lorenzo.

Cette victime de la cruauté monastique n’était autre, en effet, que l’infortunée Agnès. Virginie l’avait bien connue au couvent ; mais sa maigreur, ses traits altérés par le chagrin, le bruit de sa mort généralement accrédité, ses cheveux grandis et emmêlés qui pendaient en désordre sur sa figure et son sein, l’avaient d’abord rendue méconnaissable. L’abbesse avait mis tout en œuvre pour décider Virginie à prendre le voile ; car l’héritière de Villa-Franca n’était point une acquisition à dédaigner ; ses démonstrations de tendresse, et ses prévenances continuelles avaient réussi à en donner sérieusement la pensée à sa jeune parente. Mieux instruite des dégoûts et des ennuis de la vie monastique, Agnès avait pénétré le dessein de la supérieure. Elle avait tremblé pour l’innocente fille, et entrepris de lui faire voir son erreur. Elle lui avait dépeint sous leur vrai jour les nombreux inconvénients attachés à un couvent, la contrainte perpétuelle, les basses jalousies, les intrigues mesquines, la cour servile et la flatterie grossière exigées par la supérieure. Puis elle avait engagé Virginie à réfléchir à la brillante perspective qui se présentait devant elle. L’idole de ses parents, l’admiration de Madrid, douée par la nature et l’éducation de toutes les perfections du corps et