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« Rien de plus ? »

« Rien. »

« Le matin est sur le point de paraître : retirons-nous au couvent, de peur que la clarté du jour ne nous trahisse. »

D’un pas léger elle sortit du cimetière ; elle regagna sa cellule, toujours suivie du curieux prieur ; elle ferma la porte, et se débarrassa de sa lampe et de son panier.

« J’ai réussi ! » s’écria-t-elle, en se jetant dans les bras d’Ambrosio ; « j’ai réussi au delà de mes plus chères espérances ! je vivrai, je vivrai pour vous ! La démarche que je frémissais de faire sera pour moi une source de joies inexprimables ! Oh ! si j’osais vous les faire partager ! oh ! s’il m’était permis de vous associer à mon pouvoir, de vous élever autant au-dessus de votre sexe qu’un seul acte hardi m’a élevée au-dessus du mien ! »

« Et qui vous en empêche, Mathilde ? » interrompit le moine ; « pourquoi me faire un secret de ce qui s’est passé dans le souterrain ? me croyez-vous indigne de votre confiance ? Mathilde, je douterai de la vérité de votre affection tant que vous aurez des joies auxquelles il me sera interdit de prendre part. »

« Vos reproches sont injustes ; l’obligation où je suis de vous cacher mon bonheur m’afflige sincèrement : mais je ne suis point à blâmer ; la faute n’en est point à moi, mais à vous, mon Ambrosio. Je vois encore trop le moine en vous ; votre esprit est esclave des préjugés de l’éducation, et la superstition pourrait vous faire trembler à l’idée de ce que l’expérience m’a appris à apprécier. L’heure n’est pas venue de vous révéler un secret de cette importance ; mais la force de votre jugement et la curiosité que je me réjouis de voir étinceler dans vos yeux, me font espérer qu’un jour vous mériterez ma confiance : jusqu’à