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Ambrosio, cependant, quoique suivi de près, avait réussi à regagner le caveau. La porte était déjà refermée lorsque don Ramirez arriva, et beaucoup de temps s’écoula avant que la retraite du fugitif fût découverte. Mais rien ne résiste à la persévérance. Tout artistement dissimulée qu’elle était, la porte ne put échapper à la vigilance des archers. Ils la forcèrent et entrèrent dans le caveau, au grand effroi d’Ambrosio et de sa compagne. La confusion du moine, ses efforts pour se cacher, sa fuite rapide et ses vêtements tachés de sang, ne permettaient pas de douter qu’il ne fût le meurtrier d’Antonia. Mais quand il fut reconnu pour l’immaculé Ambrosio, « l’homme de Dieu, » l’idole de Madrid, les facultés des spectateurs furent enchaînées par la surprise, et ils purent à peine se persuader que ce qu’ils voyaient n’était point une vision. Le prieur n’essaya point de se disculper, mais garda un morne silence. On se saisit de lui et on le garrotta ; la même précaution fut prise avec Mathilde. Son capuchon ayant été écarté, la délicatesse de ses traits et la profusion de ses cheveux dorés trahirent son sexe, et cet incident excita une nouvelle stupéfaction. Le poignard aussi fut trouvé dans la tombe, où le moine l’avait jeté ; et après une exacte perquisition dans le souterrain, les deux coupables furent conduits dans les prisons de l’inquisition.

Don Ramirez prit soin que la populace restât dans l’ignorance des forfaits et de la profession des prisonniers. Il craignait une répétition des désordres qui avaient suivi l’arrestation de l’abbesse de Sainte-Claire : il se contenta d’instruire les capucins du crime de leur supérieur. Pour éviter la honte d’une accusation publique, et redoutant la fureur populaire, dont ils avaient déjà eu bien de la peine à préserver leur couvent, les moines s’empressèrent de permettre aux inquisiteurs de visiter leur mai-