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qu’elle possédait toute sa tendresse. Elle ne voulut pas être transportée hors du caveau, craignant que chaque mouvement ne hâtât sa mort, et elle ne voulait rien perdre des moments qu’elle passait à recevoir des preuves de l’amour de Lorenzo, et à l’assurer du sien. Elle lui dit que si elle n’avait pas été souillée, elle aurait pu déplorer la perte de la vie ; mais déshonorée et vouée à l’opprobre, la mort pour elle était un bonheur : elle n’aurait pu l’épouser, et privée de cet espoir, elle se résignait à mourir sans un soupir de regret. Elle l’invita à prendre courage, le conjura de ne point s’abandonner à une douleur inutile, et lui déclara qu’il était le seul au monde qu’elle fût affligée de quitter. Augmentant plutôt qu’allégeant par ces douces paroles le chagrin de Lorenzo, elle continua de s’entretenir avec lui jusqu’au dernier moment. Sa voix devint faible et s’entendit à peine ; un nuage épais couvrit ses yeux ; son cœur battit lentement et irrégulièrement, et chaque instant semblait annoncer que sa fin était proche.

Elle était couchée, la tête appuyée sur le sein de Lorenzo, et ses lèvres lui murmurant encore des paroles de consolation. Elle fut interrompue par l’horloge du couvent, qui, dans le lointain, sonna l’heure. Aussitôt les yeux d’Antonia étincelèrent d’un éclat céleste ; tout son corps parut reprendre de la vigueur et de la vie : elle se releva des bras de son amant.

« Trois heures ! » s’écria-t-elle. « Ma mère, je viens ! »

Elle joignit les mains, et tomba morte. Lorenzo, désespéré, se jeta près d’elle, il s’arracha les cheveux, se frappa la poitrine, et refusa de se séparer du cadavre. Enfin, ses forces étant épuisées, il se laissa emmener hors du caveau et transporter au palais de Médina, presque aussi inanimé que l’infortunée Antonia.