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les inquisiteurs. Antonia résistait toujours, et il la força au silence par le moyen le plus horrible et le plus inhumain. Il avait encore le poignard de Mathilde : sans se donner un instant de réflexion, il le leva et le plongea deux fois dans le sein d’Antonia ! elle poussa un cri, et tomba. Le moine essaya de l’emporter, mais elle tenait toujours le pilier fortement embrassé. En ce moment, la lumière des torches qui approchaient brilla sur les murs. Craignant d’être découvert, Ambrosio fut forcé d’abandonner sa victime, et il s’enfuit au caveau où il avait laissé Mathilde.

Ce ne fut pas sans être vu. Don Ramirez, qui se trouva arriver le premier, aperçut par terre une femme baignée dans son sang, et un homme qui s’enfuyait et dont le trouble indiquait que c’était le meurtrier. Aussitôt il le poursuivit avec une partie des archers, tandis que les autres restaient avec Lorenzo pour protéger l’étrangère blessée. Ils la soulevèrent, et la soutinrent dans leurs bras. Elle s’était évanouie de douleur ; mais bientôt elle donna des signes de vie : elle ouvrit les yeux, et en relevant la tête, rejeta en arrière la forêt de cheveux blonds qui jusque-là avaient caché son visage.

« Dieu tout-puissant ! c’est Antonia. »

Telle fut l’exclamation de Lorenzo, et, l’arrachant des bras des gardes, il la prit dans les siens.

Quoique dirigé par une main incertaine, le poignard n’avait que trop bien atteint le but de son maître. Les blessures étaient mortelles, et Antonia sentait qu’elle n’en reviendrait pas ; cependant, le peu d’instants qui lui restaient furent des instants de bonheur.

Le chagrin exprimé sur les traits de Lorenzo, la frénésie de ses plaintes et l’anxiété de ses questions au sujet des blessures, la convainquirent, à n’en pouvoir douter,