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vive pour vous convaincre de votre folie ; je vous abandonne à votre mauvais destin ! je répudie votre alliance ! celui qui tremble de commettre un crime si insignifiant ne mérite pas ma protection. Écoutez ! écoutez ! Ambrosio, n’entendez-vous pas les archers ? ils viennent, et votre perte est inévitable ! »

En ce moment, le prieur entendit un bruit lointain de voix. Il courut à la porte, du secret de laquelle dépendait son salut, et que Mathilde avait négligé de fermer. Avant d’y parvenir, il vit Antonia tout à coup se glisser près de lui, franchir la porte, et voler vers le bruit avec la rapidité d’une flèche. Elle avait écouté attentivement Mathilde ; elle avait entendu nommer Lorenzo, et s’était résolue à tout risquer pour se réfugier sous cette protection. La porte était ouverte. Les sons lui prouvaient que les archers ne pouvaient pas être à une grande distance. Elle rassembla le peu de force qui lui restait, dépassa le moine avant qu’il remarquât son projet, et se dirigea promptement vers les voix. Revenu de sa première surprise, le prieur ne manqua pas de la poursuivre. Tous ses muscles tendus, vainement Antonia redoublait de vitesse. À chaque moment, l’ennemi gagnait sur elle du terrain : elle entendit ses pas derrière elle, elle sentit sur le cou la chaleur de son haleine. Il l’atteignit ; il enfonça les mains dans les boucles de ses cheveux flottants, et essaya de l’entraîner dans le caveau. Antonia résista de toute sa force ; elle entoura de ses bras un des piliers qui supportaient la voûte, et appela au secours à grands cris. En vain le prieur s’efforçait de lui imposer silence.

« Au secours ! » continuait-elle de crier ; » au secours ! au secours ! pour l’amour de Dieu ! »

Accélérés par ses cris, on entendit les pas se rapprocher. Le prieur s’attendait à tout moment à voir arriver