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nant les yeux et se faisant à peine entendre, il essaya de la consoler d’un malheur qui ne pouvait plus se réparer. Il protesta de son repentir sincère, et de la joie qu’il aurait de racheter par autant de gouttes de son sang chacune des larmes qu’il lui avait fait répandre. Misérable et désespérée, Antonia l’écoutait avec une douleur silencieuse ; mais lorsqu’il lui annonça qu’elle serait retenue dans le caveau, dans cet affreux séjour auquel la mort même était préférable, elle se réveilla soudain de son insensibilité. Traîner une vie déplorable dans une cellule étroite et hideuse, n’ayant de son existence d’autre témoin que son ravisseur, entourée de cadavres, respirant l’air pestilentiel de la corruption, ne plus jamais voir la lumière, ne plus respirer l’air pur des cieux — cette idée était trop terrible pour la supporter, et triompha même de l’horreur d’Antonia pour le moine. Elle retomba à genoux ; elle demanda grâce dans les termes les plus pathétiques et les plus pressants : elle promit, s’il voulait la rendre à la liberté, de cacher au monde les outrages qu’elle avait subis ; de donner à sa réapparition tous les motifs qu’il jugerait convenables ; et afin que le plus petit soupçon ne tombât pas sur lui, elle offrit de quitter immédiatement Madrid. Ses instances furent assez fortes pour faire une grande impression sur le prieur. Il réfléchit que comme elle n’excitait plus en lui de désirs, il n’avait plus d’intérêt à la tenir cachée comme il en avait d’abord eu l’intention : que c’était ajouter de nouveaux malheurs à tous ceux qu’elle avait déjà soufferts ; et que si elle était fidèle à ses promesses, qu’elle fût en prison ou en liberté, d’aucune manière il n’avait personnellement rien à craindre pour sa vie ni pour sa réputation. D’un autre côté, il tremblait qu’Antonia, dans son affliction, ne manquât sans le vouloir à son