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trop grande distance pour qu’il pût distinguer ses paroles, et avant d’arriver jusqu’à lui, elles se confondaient en un sourd murmure. Il brûlait de pénétrer ce mystère ; il résolut de désobéir à ses ordres, et de la suivre dans le souterrain : il avança jusqu’à l’escalier, et déjà il en avait descendu quelques marches lorsque le courage lui manqua ; il se rappela les menaces de Mathilde, et son sein se remplit d’une terreur secrète et inexplicable : il remonta les degrés, reprit sa première position, et attendit impatiemment la fin de cette aventure.

Tout à coup il ressentit un choc violent : la terre trembla ; les colonnes qui soutenaient la voûte furent si fortement ébranlées, qu’à chaque instant elle semblait prête à l’écraser, et aussitôt il entendit un épouvantable coup de tonnerre : après quoi, ses yeux se fixant sur l’escalier, il vit une brillante colonne de lumière courir le long des souterrains ; il ne la vit qu’un moment : dès qu’elle eut disparu, tout redevint calme et obscur ; d’épaisses ténèbres l’entourèrent de nouveau, et le silence de la nuit ne fut interrompu que par le bruit des ailes de la chauve-souris qui volait lentement près de lui.

Chaque instant augmentait l’étonnement d’Ambrosio. Au bout d’une autre heure, la même lumière reparut, et se perdit de nouveau et aussi subitement : elle était accompagnée d’une musique douce mais solennelle, qui s’élevait du fond des voûtes, et qui pénétra le moine de bonheur et d’effroi. Il n’y avait pas longtemps qu’elle avait cessé, lorsqu’il entendit sur l’escalier les pas de Mathilde ; elle revenait du souterrain ; la joie la plus vive animait ses beaux traits.

« N’avez-vous rien vu ? » demanda-t-elle.

« J’ai vu deux fois une colonne de lumière briller sur l’escalier. »