Page:Lewis - Le Moine, Tome 2, trad Wailly, 1840.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par un autre ? Non, Antonia, jamais, jamais, j’en jure par ce baiser ! et par celui-ci ! et par celui-ci ! »

De moment en moment, la passion du moine devenait plus ardente, et la terreur d’Antonia plus intense. Elle lutta pour se dégager ; ses efforts furent sans succès, et, voyant Ambrosio s’enhardir de plus en plus, elle appela au secours à grands cris. L’aspect du caveau, la pâle lueur de la lampe, et les objets funèbres que ses yeux rencontraient de toute part, étaient peu faits pour lui inspirer les sentiments qui agitaient le prieur ; ses caresses même l’épouvantaient par leur fureur : cet effroi, au contraire, cette répugnance manifeste, cette résistance incessante, ne faisaient qu’enflammer les désirs du moine, et prêter de nouvelles forces à sa brutalité. Les cris d’Antonia n’étaient point entendus ; pourtant elle les continua, et ne cessa de faire des efforts pour fuir, jusqu’à ce que, épuisée et hors d’haleine, elle tombât de ses bras sur les genoux et eût de nouveau recours aux prières et aux supplications. Cette tentative ne réussit pas mieux que la précédente ; au contraire, prenant avantage de la position, le ravisseur se jeta à côté d’elle : il la serra contre lui presque morte de frayeur, et harassée de la lutte ; il étouffa ses cris sous les baisers, la traita avec la grossièreté d’un barbare éhonté, marcha de liberté en liberté, et dans la violence du délire lascif, blessa et froissa ses membres si tendres. Sans faire attention aux pleurs, aux cris, aux prières, il se rendit peu à peu maître d’elle, et ne quitta sa proie que lorsqu’il eut consommé son forfait et le déshonneur d’Antonia.

À peine eut-il accompli son dessein, qu’il eut horreur de lui-même et des moyens qu’il avait employés. L’excès même de son ardeur luxurieuse contribuait maintenant à lui inspirer du dégoût, et une voix secrète lui disait com-