Page:Lewis - Le Moine, Tome 2, trad Wailly, 1840.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ambrosio, emmenez-moi ; il me rappelle mon affreux rêve ! Il me semblait que j’étais morte, et couchée dans ma bière ! — Bon Ambrosio, emmenez-moi d’ici ! — Ne voulez-vous pas ? oh ! ne voulez-vous pas ? Ne me regardez pas ainsi ! — vos yeux flamboyants m’épouvantent ! — épargnez-moi, mon père ! épargnez-moi, pour l’amour de Dieu ! »

« Pourquoi ces terreurs, Antonia ? » repartit le prieur, la serrant contre lui, et couvrant son sein de baisers, qu’elle s’efforçait en vain d’éviter ; « que craignez-vous de moi, de quelqu’un qui vous adore ? Qu’importe où vous êtes ? ce cimetière me semble le temple de l’amour ; cette obscurité n’est que la nuit propice que le mystère étend sur nos plaisirs ! voilà ce que je pense, et ce que doit penser mon Antonia. Oui, adorable fille ! oui ! vos veines brûleront du feu qui circule dans les miennes, et vous doublerez mes transports en les partageant ! »

En parlant ainsi, il renouvelait ses embrassements, et se permettait les plus indécentes libertés. Malgré toute son ignorance, Antonia comprit le danger ; elle s’arracha des bras du prieur, et n’ayant pour tout vêtement que son linceul, elle s’enferma dedans.

« Laissez-moi, mon père ! » cria-t-elle, sa vertueuse indignation tempérée par l’effroi de son isolement. « Pourquoi m’avez-vous amenée dans ce lieu ? son aspect seul me glace d’horreur ! Retirez-moi d’ici, si vous avez le moindre sentiment de pitié et d’humanité ! laissez-moi retourner à la maison que j’ai quittée je ne sais comment ; mais quant à rester ici un moment de plus, je ne le veux ni ne le dois. »

Le ton résolu dont elle parlait ne laissa pas que d’étonner le moine, mais ne produisit pas sur lui d’autre effet que la surprise. Il lui prit la main, la força de se rasseoir sur