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brassements. Avant le point du jour, il faut que tu sois à moi, et tu seras à moi ! »

Il l’emporta, toujours immobile, de la tombe ; il s’assit sur un banc de pierre, et la soutenant dans ses bras, il épia avec impatience les symptômes de la vie renaissante. C’est à peine s’il était assez maître de ses transports pour attendre qu’elle ne fût plus insensible. L’ardeur naturelle de ses désirs s’était accrue par les difficultés qu’ils avaient rencontrées, ainsi que par une longue abstinence : car, depuis qu’il avait abdiqué tout droit à son amour, Mathilde l’avait exilé pour toujours de ses bras.

« Je ne suis point une prostituée, Ambrosio, » lui avait-elle dit lorsque, dans tout l’entraînement des sens, il réclamait ses faveurs avec plus d’instance que de coutume ; « je ne suis plus que votre amie, et je ne veux pas être votre maîtresse. Cessez donc de me solliciter de céder à des désirs qui m’insultent. Quand votre cœur était à moi, je me glorifiais de vos embrassements : ces heureux temps sont passés ; ma personne vous est devenue indifférente, et c’est la nécessité, non l’amour, qui vous fait me rechercher. Je ne puis consentir à une demande qui humilie ma fierté. »

Sevré tout à coup des plaisirs dont l’habitude lui avait fait un besoin absolu, le moine sentit vivement cette privation. Naturellement porté à assouvir ses sens, dans la pleine vigueur de la virilité et de la chaleur du sang, il avait laissé prendre un ascendant tel à son tempérament, que sa concupiscence allait jusqu’à la folie. De son amour pour Antonia, il ne restait que les éléments grossiers : il brûlait de la posséder ; et même l’obscurité du caveau, le silence qui l’entourait et la résistance à laquelle il s’attendait, ne faisaient qu’aiguiser l’âpreté de ses désirs effrénés.