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L’entrée n’en était nullement facile à découvrir ; mais ce n’était point un obstacle pour Ambrosio, qui, lors de l’enterrement d’Antonia, avait observé l’endroit avec trop de soin pour se tromper. Il trouva la porte, qui n’était point fermée à clef ; il la poussa, et descendit dans le souterrain ; il s’approcha de l’humble tombe où Antonia reposait. Il s’était muni d’un levier de fer et d’une pioche ; mais cette précaution n’était pas nécessaire : la grille était faiblement attachée en dehors ; il la leva, et, plaçant la lampe sur le rebord, il se pencha en silence sur la tombe. À côté de trois cadavres en putréfaction était la belle endormie. Un rouge vif, avant-coureur de la vie renaissante, était déjà répandu sur ses joues ; et enveloppée comme elle était dans un linceul et couchée sur sa bière, elle avait l’air de sourire aux objets funèbres qui l’entouraient. En regardant ces ossements rongés, et ces corps repoussants qui jadis peut-être étaient pleins de grâce et de charme, Ambrosio pensa à Elvire, réduite par lui au même état. Le souvenir de cet acte horrible plongea son esprit dans une sombre horreur ; mais elle ne servit qu’à le raffermir dans la résolution de détruire l’honneur d’Antonia.

« C’est pour toi, fatale beauté ! » murmura le moine en contemplant sa proie, « c’est pour toi que j’ai commis ce meurtre, et que je me suis vendu aux tortures éternelles. Maintenant tu es en mon pouvoir : j’aurai du moins le bénéfice de mon crime. N’espère pas que tes prières, que la douceur incomparable de ta voix plaintive, que tes yeux brillants remplis de larmes, que tes mains suppliantes élevées vers moi comme elles le sont par le repentir quand tu implores le pardon de la Vierge ; n’espère pas que ta touchante innocence, que ta belle douleur, ni que tous tes artifices de suppliante, te rachètent de mes em-