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nonnes seraient à la procession, et il n’avait pas à craindre d’être interrompu : il s’était donc excusé de paraître à la tête de sa communauté. Il ne doutait pas que, loin de tout secours, séparée du monde entier, et absolument en son pouvoir, Antonia ne cédât à ses désirs. L’affection qu’elle lui avait toujours témoignée le confirmait dans cette persuasion : mais s’obstinât-elle à le repousser, il était déterminé à ne se laisser arrêter par aucune considération. Sûr de n’être pas découvert, il ne reculait pas devant l’idée d’employer la violence ; ou s’il éprouvait quelque répugnance à le faire, elle ne venait pas d’un motif de honte ou de compassion, mais de l’amour sincère et ardent qu’il ressentait pour Antonia, et du désir de ne devoir ses faveurs qu’à elle-même.

Les moines quittèrent le couvent à minuit. Mathilde était parmi les chantres, et conduisait le chant. Ambrosio fut laissé à lui-même et libre de suivre ses inclinations. Convaincu qu’il n’était resté personne qui pût épier ses mouvements ou troubler ses plaisirs, il se hâta de gagner les galeries de l’ouest. Le cœur palpitant d’espoir et aussi d’anxiété, il traversa le jardin, ouvrit la porte qui donnait sur le cimetière, et en peu de minutes fut devant les caveaux. Là, il s’arrêta : il regarda alentour avec méfiance, sentant bien que sa besogne ne voulait pas de témoin. Comme il hésitait, il entendit le cri lugubre de la fresaie : le vent sifflait avec bruit contre les fenêtres du couvent voisin, et lui apportait les sons affaiblis des chants religieux. Il ouvrit la porte avec précaution, comme s’il craignait d’être entendu : il entra, et la referma après lui. Guidé par sa lampe, il s’enfonça dans les longs passages dont Mathilde lui avait enseigné les détours, et parvint au caveau particulier qui contenait sa maîtresse endormie.