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vous me sauver, me rendre à la liberté, à la vie et à la lumière ? Oh ! parlez, parlez vite, ne me laissez pas concevoir une espérance dont la perte me tuera. »

« Calmez-vous, » répondit Lorenzo d’une voix douce et compatissante ; » la cruelle abbesse dont vous vous plaignez a déjà subi la peine de ses crimes : vous n’avez plus rien à craindre d’elle. Dans quelques minutes vous allez être rendue à la liberté et aux embrassements de vos parents, dont vous avez été séparée ; vous pouvez compter sur ma protection. Donnez-moi la main et n’ayez pas peur : laissez-moi vous conduire en un lieu où vous puissiez recevoir les soins qu’exige votre état de faiblesse. »

« Oh ! oui ! oui ! » dit la prisonnière avec un cri de joie. « Il y a donc un Dieu, un Dieu juste ! Ô bonheur ! ô bonheur ! je vais respirer l’air pur, et revoir la clarté resplendissante du soleil ! Je vais avec vous, étranger ! je vais avec vous ! oh ! le ciel vous bénira d’avoir pitié d’une infortunée ! Mais il faut que ceci vienne avec moi, » ajouta-t-elle en désignant le petit paquet qu’elle tenait toujours serré contre sa poitrine ; » je ne puis m’en séparer ; je veux l’emporter : il prouvera au monde combien sont terribles ces demeures que l’on nomme si faussement religieuses. Bon étranger ! donnez-moi la main pour que je me relève ; je suis toute défaillante de besoin, de chagrin et de maladie, et mes forces m’ont entièrement abandonnée. Oui, ainsi c’est bien ! »

Comme Lorenzo se baissait, la lueur de la lampe frappa en plein sur son visage. « Dieu tout puissant ! » s’écria-t-elle, « est-ce possible ! — cet air ! ces traits ! — Oh ! oui, c’est, c’est — » Elle étendit les bras pour les jeter autour de lui, mais son corps trop frêle fut hors d’état de soutenir les émotions qui agitaient son cœur. Elle s’évanouit, et retomba sur le lit de paille.