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en peu de jours ! je ne le reconnaîtrais pas moi-même. Pourtant il m’est cher, Dieu ! bien cher ! — Je veux oublier ce qu’il est, je veux ne me rappeler que ce qu’il était, et l’aimer autant que lorsqu’il était si beau ! si charmant ! si semblable à lui ! — Je croyais avoir épuisé toutes mes larmes, mais en voici encore une qui coule. »

Elle essuya ses yeux avec une tresse de cheveux. Elle allongea la main pour prendre la cruche, et l’atteignit avec peine. Elle jeta dedans un regard de désir, mais non d’espoir : — elle soupira, et la reposa à terre.

« Tout à fait vide ! — pas une goutte ! — pas une seule goutte de reste pour rafraîchir mon palais brûlant et desséché ! — Je donnerais des trésors pour une gorgée d’eau ! — Et ce sont les servantes de Dieu qui me font souffrir ainsi ! — Elles se croient saintes, tandis qu’elles me torturent comme des démons ! — Elles sont cruelles et insensibles, et ce sont elles qui me disent de me repentir ! et ce sont elles qui me menacent de la damnation éternelle ! Sauveur ! Sauveur ! vous ne jugez pas ainsi ! »

De nouveau ses yeux s’étaient fixés sur le crucifix ; elle prit son rosaire, et, tandis qu’elle en comptait les grains, le mouvement précipité de ses lèvres annonça qu’elle priait avec ferveur.

Lorenzo, en écoutant ces tristes accents, se sentit encore plus péniblement affecté. Le premier aspect d’une telle infortune avait porté à son cœur un coup douloureux : mais, remis de cette impression, il s’avança vers la captive : elle entendit ses pas, et, poussant un cri de joie, elle laissa tomber le rosaire.

« Oui ! oui ! oui ! » s’écria-t-elle, « quelqu’un vient. »

Elle essaya de se lever, mais elle n’en eut pas la force ; elle retomba sur son lit de paille, et Lorenzo entendit un