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comme ses idées depuis lors avaient subi une complète révolution, il ressentait beaucoup de pitié pour cette infortunée.

« J’ai dessein, » dit-il, « de demander demain une audience à la supérieure, et d’user de tous les moyens possibles pour obtenir qu’elle adoucisse sa sentence. »

« Prenez-y garde, » interrompit Mathilde ; « ce changement subit d’idée peut exciter la surprise, et donner naissance à des soupçons que nous avons le plus grand intérêt à éviter. Redoublez plutôt d’austérité extérieure, et fulminez des menaces contre les erreurs d’autrui pour mieux dissimuler les vôtres. Abandonnez la nonne à sa destinée : votre intervention serait dangereuse, et son imprudence mérite d’être punie ; elle n’est pas digne de goûter les plaisirs de l’amour, puisqu’elle n’a pas l’esprit de les cacher. Mais à discuter ces intérêts frivoles, je perds des instants qui sont précieux : la nuit fuit à grands pas, et j’ai beaucoup à faire avant l’aurore. Les nonnes se sont retirées : nous sommes en sûreté. Donnez-moi la lampe, Ambrosio ; je dois descendre seule dans ces souterrains : attendez ici, et si quelqu’un s’approche, avertissez-moi par un cri ; mais si vous tenez à la vie, ne vous avisez pas de me suivre, vous tomberiez victime de votre imprudente curiosité. »

À ces mots, elle s’avança vers le sépulcre, tenant toujours la lampe d’une main et son petit panier de l’autre ; elle toucha la porte qui cria lentement sur ses gonds rouillés, et lui offrit un étroit escalier tournant, de marbre noir : elle descendit ; Ambrosio resta en haut, suivant de l’œil les faibles rayons de la lampe qui s’éloignaient graduellement ; ils disparurent, et il se trouva dans une complète obscurité.

Laissé à lui-même, il ne put songer sans surprise au