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la charmante Virginie. Proche parente de l’abbesse, elle avait plus de raison que toute autre de redouter les assaillants, et elle supplia Lorenzo de ne point l’abandonner à leur rage. Ses compagnes, dont la plupart étaient des filles de noble maison, lui firent la même prière, qu’il accueillit avec empressement : il s’engagea à ne les point quitter qu’il ne les eût remises toutes saines et sauves à leurs parents ; mais il leur recommanda de ne point quitter encore les caveaux de quelque temps, et d’attendre que la fureur populaire fût un peu calmée, et que l’arrivée de la force militaire eût dispersé la multitude.

« Plut à Dieu, » s’écria Virginie, « que je fusse déjà en sûreté dans les bras de ma mère ! Comment dites-vous, señor ? serons-nous longtemps avant de pouvoir sortir d’ici ? chaque moment que j’y passe me met à la torture. »

« Vous en sortirez bientôt, j’espère, » dit-il ; « mais jusqu’à ce que vous puissiez le faire sans danger, ces caveaux seront pour vous un impénétrable asile ; vous n’y courez aucun risque, et je vous conseille de rester tranquilles encore deux ou trois heures. »

« Deux ou trois heures ! » s’écria sœur Hélène : « si j’y reste encore une heure, je mourrai de peur ! pour tout l’or du monde je ne consentirais pas à subir de nouveau ce que j’ai déjà souffert depuis que je suis ici. Sainte Vierge ! être dans ce lieu lugubre au milieu de la nuit, environnée des cadavres de mes compagnes défuntes, et m’attendant à tout instant à être mise en pièces par leurs ombres qui rôdent autour de moi, et se plaignent et gémissent avec des accents funèbres qui me glacent le sang — Jésus-Christ ! c’en est assez pour me rendre folle. »

« Pardonnez-moi, » repartit Lorenzo, « si je m’étonne que, menacée de malheurs réels, vous puissiez vous occu-