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« Vous devez vous attendre à bien de l’opposition, » répliqua l’autre d’une voix plus douce : « Agnès a beaucoup d’amies dans le couvent, et la mère Sainte-Ursule en particulier épousera sa cause très chaudement. En vérité, elle mérite d’avoir des amies, et je voudrais pouvoir vous faire prendre en considération sa jeunesse et ce que sa situation a de particulier. Elle paraît touchée de sa faute ; l’excès de sa douleur prouve son repentir, et je suis convaincue que c’est la contrition plus que la crainte du châtiment qui fait couler ses larmes. Vénérable mère, si vous consentiez à mitiger la rigueur de votre sentence, si vous daigniez oublier cette première transgression, je m’offrirais pour caution de sa conduite future. »

« L’oublier, dites-vous ? mère Camille, vous m’étonnez ! Quoi ! après m’avoir déshonorée aux yeux de l’idole de Madrid, de l’homme même à qui je désirais le plus de donner une idée de la régularité de ma discipline ! Comme j’ai dû paraître méprisable au révérend prieur ! Non, ma mère, non ! je ne puis pardonner cet outrage ; je ne puis mieux convaincre Ambrosio de mon horreur pour de tels crimes, qu’en punissant celui d’Agnès avec toute la rigueur qu’admettent nos sévères lois. Cessez donc vos supplications, elles seront toutes inutiles ; ma résolution est prise : demain Agnès sera un terrible exemple de ma justice et de mon ressentiment. »

La mère Camille ne semblait pas abandonner la partie, mais en ce moment la voix des nonnes cessa de pouvoir s’entendre. L’abbesse ouvrit la porte qui communiquait avec la chapelle de Sainte-Claire, et étant entrée avec sa compagne, elle la referma sur elles.

Mathilde alors demanda quelle était cette Agnès contre qui l’abbesse était si courroucée, et quel rapport elle avait avec Ambrosio. Il raconta l’aventure, et ajouta que,