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de pousser en avant : il se fraya un passage à travers les gardes qui protégeaient sa victime, il l’arracha de cet asile, et se mit en devoir d’en tirer une prompte et cruelle justice. Éperdue de terreur, et sachant à peine ce qu’elle disait, la malheureuse femme criait implorant un moment de répit : elle protestait qu’elle était innocente de la mort d’Agnès, et qu’elle pouvait se laver de tout soupçon jusqu’à la plus entière évidence. Les mutins, tout entiers au désir d’assouvir leur vengeance barbare, refusèrent de l’écouter, lui prodiguèrent tous les genres d’insultes, l’accablèrent de boue et d’ordures, et l’appelèrent des noms les plus odieux : ils se l’arrachèrent les uns aux autres, et chaque nouveau bourreau était plus atroce que le précédent. Ils étouffèrent, sous leurs hurlements et leurs imprécations, ses cris suppliants, et la traînèrent par les rues, en la frappant, en la foulant du pied, en la soumettant à tous les actes de cruauté que peuvent inventer la haine et la fureur vindicative. Enfin un caillou, lancé par une main adroite, la frappa en plein à la tempe : elle tomba par terre, baignée dans son sang, et en peu de minutes termina sa misérable existence. Quoiqu’elle ne sentît plus leurs insultes, les mutins continuèrent d’exercer sur son corps inanimé leur rage impuissante, de le battre, de le fouler aux pieds et de sévir contre lui jusqu’à ce qu’il devînt une masse de chair informe, hideuse et dégoûtante.

Hors d’état d’empêcher ces actes révoltants, Lorenzo et ses amis les avaient vus avec la plus grande horreur ; mais ils furent tirés de leur inaction forcée par la nouvelle que l’on attaquait le couvent de Sainte-Claire. La populace échauffée, confondant l’innocent avec le coupable, avait résolu de sacrifier à sa rage toutes les religieuses de cet ordre, et de ne pas laisser de leur maison