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« Je n’ai plus rien à dire : quant à ce que j’ai dit, j’en réponds sur ma vie. Je répète que l’abbesse est une meurtrière ; qu’elle a ôté du monde, et peut-être du ciel, une infortunée dont la faute était légère et pardonnable ; qu’elle a abusé du pouvoir confié à ses mains, et qu’elle a agi en tyran, en barbare et en hypocrite. J’accuse aussi les quatre nonnes, Violante, Camille, Alix et Marianne, comme ses complices et également criminelles. »

Ici Sainte-Ursule termina son récit. Il avait excité de tous côtés l’horreur et la surprise ; mais quand elle raconta le meurtre inhumain d’Agnès, l’indignation de la foule se manifesta si bruyamment, qu’il fut à peine possible d’entendre la fin du discours. Le désordre croissait d’instant en instant. Enfin, une multitude de voix s’écrièrent qu’il fallait qu’on livrât l’abbesse à leur fureur. Don Ramirez refusa positivement d’y consentir. Lorenzo lui-même rappela au peuple qu’elle n’avait subi aucun jugement, et l’engagea à laisser à l’inquisition le soin de la punir. Toutes les représentations furent superflues : le trouble devenait plus violent et la populace plus exaspérée. En vain Ramirez essaya d’emmener sa prisonnière hors de la foule : de quelque côté qu’il se tournât, un attroupement lui barrait le passage, et réclamait l’abbesse à plus grands cris. Ramirez ordonna aux archers de s’ouvrir un chemin ; pressés par la foule, il leur fut impossible de tirer l’épée. Il menaça la multitude de la vengeance de l’inquisition ; mais dans cet instant de frénésie populaire, ce nom redouté lui-même avait perdu son effet. Quoique le regret de la mort de sa sœur lui inspirât une profonde horreur pour l’abbesse, Lorenzo ne put s’empêcher d’avoir pitié d’une femme dans cette position terrible ; mais en dépit de tous ses efforts et de ceux du duc, de don Ramirez et des archers, le peuple continua