aiguës l’oreiller douloureux de la mort. Telles furent les souffrances de cette jeune infortunée, jusqu’au moment où la destinée la délivra de la malice de ses bourreaux. Elle expira entre l’horreur du passé et la crainte de l’avenir, et son agonie dut amplement assouvir la haine et la vengeance de ses ennemies. Aussitôt que leur victime eut cessé de respirer, l’abbesse se retira, et fut suivie de ses complices.
« Ce fut alors que je sortis de ma cachette. Je n’avais pas osé secourir ma malheureuse amie, sachant bien que, sans la sauver, je n’aurais fait qu’attirer sur moi le même sort. Interdite et terrifiée au-delà de toute expression par cette scène affreuse, j’avais à peine la force de regagner ma cellule. Quand j’eus atteint la porte de celle d’Agnès, je me hasardai à jeter un regard vers le lit où était étendu inanimé ce corps naguère si plein de grâce et de charme. Je dis une prière pour le repos de son âme, et fis vœu de venger sa mort par la honte et le châtiment de ses assassins. Après bien des peines et des dangers, j’ai tenu mon serment. Égarée par l’excès de ma douleur, il m’échappa à l’enterrement des paroles imprudentes qui alarmèrent la conscience coupable de l’abbesse. Toutes mes actions furent observées, tous mes pas furent suivis ; je fus constamment entourée des espions de la supérieure. Il se passa longtemps avant que je pusse trouver le moyen de donner avis de mon secret aux parents de la malheureuse fille. On avait répandu le bruit qu’elle était morte subitement : cette version fut crue par tous ses amis, non seulement dans Madrid, mais encore dans l’intérieur du couvent. Le poison n’avait point laissé de traces sur son corps : personne ne soupçonnait la véritable cause de sa mort, et cette cause resta inconnue à tout le monde, excepté à ses assassins et à moi.