touchantes ; elle demanda la vie dans des termes qui auraient attendri le cœur d’un démon ; elle promit de se soumettre patiemment à toutes les punitions, à l’opprobre, à l’emprisonnement et à la torture, pourvu qu’on la laissât vivre, oh ! seulement un mois de vie, ou une semaine, ou un jour ! Son impitoyable ennemie écouta ses plaintes sans être émue : elle lui dit que d’abord elle avait eu l’intention de lui faire grâce de la vie, et que si elle avait changé d’idée, c’était l’opposition de ses amies qui en était cause ; elle continua d’insister pour qu’Agnès avalât le poison, l’invitant à ne plus se recommander qu’à la miséricorde de Dieu, et l’assurant que dans une heure elle serait au nombre des morts. Voyant qu’il était inutile d’implorer cette femme insensible, Agnès essaya de se jeter hors du lit et d’appeler au secours : elle espérait, si elle ne pouvait pas échapper au sort dont on la menaçait, avoir au moins des témoins de la violence qu’on commettait sur elle. L’abbesse devina son dessein : elle la saisit avec force par le bras, et la rejeta sur son oreiller ; en même temps, tirant un poignard, et le lui mettant sur le sein, elle affirma que si Agnès poussait un seul cri, ou hésitait un seul moment à boire le poison, elle lui percerait le cœur sur-le-champ. Déjà à demi-morte de peur, l’infortunée ne put résister davantage. La nonne s’approcha avec le fatal gobelet ; l’abbesse la força de le prendre et d’en avaler le contenu. Elle but, et l’acte horrible fut accompli. Les nonnes alors s’assirent autour du lit : elles répondirent à ses gémissements par des reproches ; elles interrompirent par des sarcasmes les prières dans lesquelles elle recommandait à la miséricorde divine son âme prête à partir ; elles la menacèrent de la vengeance du ciel et de la damnation éternelle ; lui dirent de désespérer du pardon, et jonchèrent d’épines encore plus
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