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communauté, et elle promit de convoquer le même conseil dès qu’elle aurait pris une résolution. Deux jours se passèrent : le soir du troisième, on annonça qu’Agnès serait interrogée le lendemain, et que, suivant sa conduite en cette occasion, sa peine serait augmentée ou mitigée.

« La nuit qui précéda l’interrogatoire, je me glissai dans la cellule d’Agnès à l’heure où je supposais les autres religieuses ensevelies dans le sommeil ; je la consolai de mon mieux : je lui dis de prendre courage, de compter sur l’appui de ses amis, et je convins avec elle de certains signes par lesquels je pourrais l’avertir de répondre affirmativement ou négativement aux questions de la supérieure. Sachant que son ennemie chercherait à la troubler, à l’embarrasser et à l’intimider, je craignais qu’on ne lui surprît quelque aveu préjudiciable à ses intérêts. Comme je tenais à ce que ma visite fût secrète, je ne restai que peu de temps avec Agnès. Je l’engageai à ne pas se laisser abattre ; je mêlai mes larmes à celles qui coulaient sur sa joue, je l’embrassai tendrement, et j’étais sur le point de me retirer, quand j’entendis des pas qui s’avançaient vers la cellule. Je reculai. Un rideau qui voilait un grand crucifix m’offrit une retraite, et je me hâtai de me mettre derrière. La porte s’ouvrit. L’abbesse entra, suivie de quatre autres nonnes. Elle s’approchèrent du lit d’Agnès ; la supérieure lui reprocha ses erreurs dans les termes les plus amers, lui dit qu’elle était un déshonneur pour le couvent, qu’il fallait délivrer la terre d’un tel monstre, et lui commanda de boire le contenu du gobelet que lui présentait une des nonnes. Soupçonnant les funestes propriétés de cette liqueur, et tremblante de se voir au bord de l’éternité, la malheureuse fille s’efforça d’exciter la pitié de la supérieure par les prières les plus