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qui méritent leur faveur, ont empêché que je ne fusse découverte. Il m’est permis à présent de faire un récit dont les détails glaceront d’horreur toute âme honnête : c’est mon devoir de déchirer le voile de l’hypocrisie, et de montrer aux parents abusés le danger auquel est exposée la femme qui tombe sous l’empire d’un tyran monastique.

« Parmi les religieuses de Sainte-Claire, nulle n’était plus aimable, nulle n’était plus douce qu’Agnès de Médina : je la connaissais bien ; elle me confiait tous les secrets de son cœur ; j’étais son amie, sa confidente ; je l’aimais d’une affection sincère, et je n’étais pas la seule qui lui fût attachée ; sa piété vraie, son empressement à obliger et ses dispositions angéliques, faisaient d’elle la favorite de tout ce qu’il y avait d’estimable dans le couvent ; l’abbesse elle-même, fière, soupçonneuse et malveillante, ne pouvait refuser à Agnès le tribut d’approbation qu’elle n’accordait à personne autre. Nous avons tous des défauts, hélas ! Agnès avait ses faiblesses : elle viola les lois de son ordre, et encourut la haine invétérée de l’implacable supérieure. Les règles de Sainte-Claire sont sévères ; mais, surannées et négligées, plusieurs depuis longues années sont tombées dans l’oubli, ou ont été remplacées d’un commun accord par de plus douces punitions : la peine attachée au crime d’Agnès était la plus cruelle, la plus inhumaine. Cette loi depuis longtemps était désapprouvée ; hélas ! elle existait pourtant, et la vindicative abbesse résolut de la faire revivre : cette loi ordonnait que la coupable serait plongée dans un cachot particulier, destiné expressément à cacher pour toujours au monde la victime de la cruauté et de la tyrannie superstitieuses. Dans cette redoutable demeure, elle était condamnée à un isolement perpétuel, privée de toute société, et crue morte par ceux que l’affection