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« Trahie ? » répliqua Sainte-Ursule qui arrivait, conduite par des archers, et suivie de la nonne, sa compagne dans la procession : « non pas trahie, mais découverte. Reconnaissez en moi votre accusatrice ; vous ne savez pas comme je suis au fait de votre crime. — Señor, » continua-t-elle, se tournant vers Ramirez, « je me remets moi-même entre vos mains. J’accuse l’abbesse de Sainte-Claire d’assassinat, et je réponds sur ma vie de la justice de l’accusation. »

Un cri de surprise fut poussé par tous les assistants, et on demanda de tout côté une explication. Les nonnes craintives, épouvantées du désordre et du bruit, s’étaient dispersées et enfuies par divers chemins : les unes avaient regagné le couvent, d’autres s’étaient réfugiées chez leurs parents ; et plusieurs, ne songeant qu’au danger présent, et qu’à échapper au tumulte, couraient par les rues, errant sans savoir où. La charmante Virginie avait été une des premières à fuir. Afin de mieux voir et de mieux entendre, le peuple demanda que Sainte-Ursule parlât du haut du trône vacant. La nonne obéit : elle monta sur le char splendide, et s’adressa en ces termes à la multitude qui l’entourait :

« Quelque étrange et messéante que puisse paraître ma conduite dans une femme et dans une religieuse, la nécessité la justifiera pleinement. Un secret, un horrible secret pèse de tout son poids sur mon âme : je n’aurai pas de repos que je ne l’aie révélé au monde, et que je n’aie apaisé le sang innocent qui crie vengeance du tombeau. J’ai eu beaucoup à oser pour me procurer cette occasion de soulager ma conscience : si j’avais échoué dans ma tentative de dévoiler ce crime, si la supérieure avait eu soupçon que ce mystère me fût connu, ma perte était inévitable. Les anges, qui veillent incessamment sur ceux