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Le trône était suivi de l’abbesse elle-même : elle marchait à la tête du reste des nonnes d’un air dévot et recueilli, et fermait la procession. Elle s’avançait lentement ; ses yeux étaient levés au ciel ; son visage, calme et tranquille, semblait étranger à toutes les choses de ce monde, et aucun de ses traits ne trahissait l’orgueil secret qu’elle avait d’étaler la pompe et l’opulence de son couvent. Elle passa, accompagnée des prières et des bénédictions de la populace : mais quelles furent la surprise et la confusion générales, quand don Ramirez, sortant de la foule, la réclama comme sa prisonnière.

Un instant, la supérieure resta muette et immobile de stupéfaction ; mais elle ne se fut pas plus tôt remise, qu’elle cria au sacrilège, à l’impiété, et invita la peuple à sauver une fille de l’église. Les assistants s’empressaient d’obéir, lorsque don Ramirez, protégé par sa troupe contre leur fureur, leur commanda de s’arrêter, les menaçant des plus rigoureuses vengeances de l’inquisition. À ce nom redouté, tous les bras tombèrent, toutes les épées rentrèrent dans le fourreau ; l’abbesse elle-même devint pâle et trembla ; le silence général lui prouva qu’elle n’avait d’espoir que dans son innocence, et, d’une voix défaillante, elle pria don Ramirez de lui apprendre le crime dont elle était accusée.

« Vous le saurez en temps et lieu, » répondit-il ; « mais d’abord je dois m’assurer de la mère Sainte-Ursule. »

« De la mère Sainte-Ursule ? » répéta faiblement l’abbesse.

En ce moment, elle jeta les yeux autour d’elle, et vit Lorenzo et le duc qui avaient suivi don Ramirez.

« Ah ! grand Dieu ! » cria-t-elle en frappant des mains d’un air frénétique ; « je suis trahie. »