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le père Pablos partit, profondément affecté de cette scène douloureuse. De son côté, Flora s’abandonna à l’affliction la plus immodérée. Des idées bien différentes occupaient Ambrosio ; il cherchait le pouls dont le battement, à ce qu’avait assuré Mathilde, devait prouver que la mort d’Antonia n’était que momentanée. Il le trouva — il le pressa — il le sentit palpiter sous son doigt, et son cœur fut rempli d’ivresse. Toutefois, il cacha soigneusement la satisfaction qu’il avait du succès de son plan : il prit un air triste, et, s’adressant à Flora, il l’invita à ne point se laisser aller à un chagrin inutile ; ses larmes étaient trop sincères pour lui permettre d’écouter ces conseils, et elle continua de pleurer abondamment. Le prieur se retira, après avoir promis de donner lui-même des ordres pour l’enterrement, qui, par considération pour Jacinthe, à ce qu’il prétendit, aurait lieu le plus tôt possible. Plongée dans la douleur de la perte de sa chère maîtresse, Flora fit à peine attention à ce qu’il disait. Ambrosio se hâta de commander l’enterrement. Il obtint de l’abbesse la permission de faire déposer le cadavre dans les caveaux de Sainte-Claire ; et le vendredi matin, toutes les cérémonies convenables ayant été accomplies, le corps d’Antonia fut mis dans la tombe. Le même jour, Léonella arrivait à Madrid, dans l’intention de présenter à sa sœur son jeune mari ; diverses circonstances l’avaient obligée de retarder son voyage du mardi au vendredi, et elle n’avait pas eu d’occasion de faire savoir à Elvire ce changement de projet. Comme son cœur était vraiment affectionné, et qu’elle avait toujours porté un intérêt sincère à sa sœur et à sa nièce, sa douleur, en apprenant leur subite et déplorable fin, fut égale à sa surprise. Ambrosio l’envoya instruire du legs d’Antonia. Il promit, sur sa demande, que, dès que les petites dettes