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venir ; mais quant à le ramener, c’est ce que je ne ferai pas. Je suis certaine que ma maison est ensorcelée, et qu’on me brûle si jamais j’y remets le pied. »

Cette détermination prise, elle partit pour le monastère, et transmit au père Pablos les ordres du prieur ; puis elle se rendit chez le vieux Simon Gonzalez qu’elle résolut de ne plus quitter qu’il ne l’épousât et ne partageât son logement avec elle.

Le père Pablos n’eut pas plutôt vu Antonia qu’il la déclara sans ressource. Les convulsions durèrent une heure ; pendant tout ce temps ses angoisses furent plus faibles que celles dont ses gémissements torturaient le cœur du moine : chacune de ses souffrances lui enfonçait un poignard dans le sein, et il se maudit mille fois d’avoir adopté un projet si barbare. L’heure étant expirée, les accès peu à peu devinrent moins fréquents, et Antonia fut moins agitée. Elle sentit que sa fin approchait et que rien ne pouvait la sauver.

« Digne Ambrosio, » dit-elle d’une voix faible, en pressant la main du prieur sur ses lèvres, « je suis libre à présent de vous exprimer combien mon cœur est reconnaissant de vos attentions et de vos bontés ; je suis au lit de la mort, encore une heure, et je ne serai plus ; je puis donc avouer sans réserve qu’il m’était très pénible de renoncer à vous voir ; mais c’était la volonté d’une mère, et je n’osais pas désobéir. Je meurs sans répugnance : peu de personnes regretteront que je les quitte — il en est peu que je regrette de quitter : dans ce petit nombre, il n’en est point que je regrette plus que vous ; mais nous nous retrouverons, Ambrosio ! un jour nous nous retrouverons dans le ciel ; là, notre amitié recommencera, et ma mère la verra avec plaisir. »

Elle s’arrêta. Le prieur frémit lorsqu’elle parla d’Elvire,