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prit errait loin des pages qu’il avait sous les yeux : l’image d’Antonia, celle d’Elvire assassinée, se dressaient devant son imagination. Il continua de lire, quoique ses regards parcourussent les caractères sans que le sens en parvînt jusqu’à son intelligence.

Telle était son occupation lorsqu’il se figura entendre des pas ; il tourna la tête, mais il n’y avait personne. Il reprit son livre ; mais quelques minutes après, le même son se répéta, et fut suivi d’un frôlement juste derrière lui. Il se leva de son siège, et, regardant alentour, il aperçut la porte du cabinet à moitié ouverte. À son entrée dans la chambre, il avait essayé de l’ouvrir, mais il l’avait trouvée verrouillée intérieurement.

« Qu’est-ce à dire ? » pensa-t-il ; « d’où vient que cette porte s’est ouverte ? »

Il s’en approcha, la poussa tout à fait, et regarda dans le cabinet : il n’y avait personne. Il restait irrésolu, lorsqu’il crut distinguer un gémissement dans la chambre contiguë : c’était celle d’Antonia, et il supposa que les gouttes commençaient à faire effet ; mais en écoulant plus attentivement, il reconnut que le bruit venait de Jacinthe, qui s’était endormie auprès du lit de la malade, et ronflait de tout cœur. Ambrosio recula et rentra dans l’autre pièce, en rêvant à l’ouverture subite de la porte du cabinet, sans parvenir à s’en rendre compte.

Il parcourut la chambre en silence ; à la fin, il s’arrêta, et le lit attira son attention : le rideau de l’alcôve n’était qu’à moitié tiré. Il soupira involontairement.

« Ce lit, » dit-il à voix basse, « ce lit était celui d’Elvire ! là elle a passé plus d’une nuit paisible, car elle était bonne et innocente. Comme son sommeil devait être profond ! et maintenant il l’est plus encore ! Dort-elle en effet ? oh ! Dieu le veuille ! si elle se relevait de son cercueil