Page:Lewis - Le Moine, Tome 2, trad Wailly, 1840.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fut sur le point d’empêcher Antonia d’avaler la médecine ; Mais sa résolution fut prise trop tard ; la tasse était déjà vidée et rendue à Flora ; il n’y avait plus de ressource. Ambrosio ne put qu’attendre avec impatience le moment qui devait décider de la vie ou de la mort de sa maîtresse, de son bonheur ou de son désespoir.

Craignant d’exciter la méfiance en restant, ou de se trahir par son agitation, il prit congé de sa victime, et sortit de la chambre. Antonia lui fit un adieu moins affectueux que la nuit précédente. Flora lui avait représenté que recevoir les visites du prieur, c’était désobéir aux ordres de sa mère ; elle avait décrit l’émotion qu’il n’avait pu cacher en entrant dans la chambre, et le feu qui étincelait dans ses yeux lorsqu’il les fixait sur Antonia : ces remarques avaient échappé à celle-ci, mais non à la domestique, qui, expliquant les desseins du prieur et leurs conséquences probables en termes beaucoup plus clairs que ceux d’Elvire, quoique moins délicats, avait réussi à alarmer sa jeune maîtresse et à lui persuader de le traiter plus froidement qu’elle n’avait fait jusqu’ici. L’idée d’obéir aux volontés de sa mère détermina tout à coup Antonia. Quoique peinée de perdre la société du prieur, elle prit assez sur elle pour le recevoir avec un certain degré de réserve et de froideur ; elle lui témoigna des égards et de la reconnaissance pour ses visites précédentes, mais sans l’inviter à les renouveler à l’avenir. Il n’était plus de l’intérêt du moine de demander à être admis, et il prit congé d’elle comme s’il n’avait pas l’intention de revenir. Pleinement convaincue que les relations qu’elle redoutait étaient terminées, Flora fut si frappée de ne lui voir faire aucune instance, qu’elle commença à douter de la justesse de ses soupçons. En l’éclairant sur l’escalier, elle le remercia d’avoir fait des efforts