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Aussitôt après matines, il se rendit au couvent de Sainte-Claire : son arrivée jeta toutes les sœurs dans la stupéfaction. L’abbesse fut sensible à l’honneur qu’il leur faisait de leur accorder sa première visite, et elle lui témoigna, par toutes les attentions possibles, combien elles en étaient reconnaissantes. On le promena dans le jardin, on lui montra toutes les reliques des saints et des martyrs, et on le traita avec autant de respect et de distinction que si c’eût été le pape en personne. De son côté, Ambrosio reçut très gracieusement les civilités de la supérieure, et tâcha de la faire revenir de la surprise où elle était de le voir renoncer à sa résolution. Il expliqua que parmi ses pénitents, il en était plusieurs que la maladie empêchait de sortir de chez eux ; ceux-là précisément avaient le plus besoin des conseils et des consolations de la religion ; on lui avait fait mainte représentation à ce sujet, et malgré son extrême répugnance, il avait reconnu la nécessité, pour le service du ciel, de changer de détermination, et de quitter sa retraite bien-aimée. L’abbesse applaudit à son zèle pour sa profession, et à sa charité pour le prochain ; elle déclara que Madrid était heureux de posséder un homme si parfait, si irréprochable. Tout en causant, le prieur parvint enfin au laboratoire : il trouva le cabinet ; la bouteille était à la place indiquée par Mathilde, et il profita d’un instant favorable pour remplir sans être vu sa fiole de la liqueur soporifique. Ensuite, ayant pris part à une collation dans le réfectoire, il quitta le couvent, en se félicitant du succès de sa visite, et laissant les nonnes enchantées de l’honneur qu’il leur avait fait.

Il attendit jusqu’au soir avant de prendre le chemin du logement d’Antonia. Jacinthe le reçut avec transport, et le supplia de ne point oublier la promesse qu’il lui avait