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verserait l’édifice de cette réputation qu’il avait été trente années à élever, et le rendrait l’exécration de ce peuple dont il était l’idole. La conscience lui peignit sous des couleurs repoussantes son parjure et sa faiblesse ; la crainte grossit à ses yeux les horreurs du châtiment, et il se vit déjà dans les cachots de l’inquisition.

À ces idées tourmentantes succédait celle de la beauté de Mathilde, celle de ces leçons délicieuses qui, une fois apprises, ne se peuvent plus oublier. Ce seul coup d’œil le réconciliait avec lui-même : les plaisirs de la nuit dernière ne lui semblaient point achetés trop cher par le sacrifice de l’innocence et de l’honneur ; leur souvenir suffisait pour remplir son âme d’extase : il maudissait sa folle vanité qui l’avait poussé à dissiper dans l’obscurité la fleur de sa vie, et l’avait tenu dans l’ignorance des jouissances que procurent l’amour et les femmes. Il résolut, à tout événement, de continuer son commerce avec Mathilde, et appela à son aide tous les arguments qui pouvaient le confirmer dans sa détermination : il se demanda en quoi consisterait sa faute si elle restait ignorée, et quelles conséquences il devait en appréhender. En observant strictement chacune des règles de son ordre, à l’exception de la chasteté, il se crut sûr de conserver l’estime des hommes, et même la protection du ciel. Il regarda comme facile à obtenir le pardon d’une si légère et si naturelle infraction à ses vœux : mais il oubliait que, ces vœux une fois prononcés, l’incontinence, qui dans les laïques est la moins grave des erreurs, devenait dans sa personne le plus odieux de tous les crimes.

Une fois décidé sur sa conduite future, il se sentit l’esprit plus tranquille. Il se jeta sur son lit, et essaya en dormant de réparer ses forces épuisées par les excès de la nuit. Il se réveilla rafraîchi, et avide de nouveaux plai-