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Médina Céli se dispose à demander Antonia en mariage : dans peu de jours elle sera conduite au palais de son parent, le marquis de Las Citernas, et là elle sera à l’abri de vos tentatives ; c’est ce que je viens d’apprendre pendant votre absence par mes espions, sans cesse occupés à m’apporter les renseignements qui peuvent vous être utiles. Maintenant écoutez-moi : il existe une liqueur extraite de certaines herbes, que peu de gens connaissent, laquelle donne à qui la boit l’apparence exacte de la mort ; il faut en faire prendre à Antonia : vous trouverez facilement le moyen d’en verser quelques gouttes dans sa médecine ; l’effet sera de la jeter pour une heure dans de violentes convulsions, après quoi son sang peu à peu cessera de circuler et son cœur de battre ; une pâleur mortelle couvrira ses traits, et à tous les yeux elle ne sera plus qu’un cadavre. Elle n’a point d’amis près d’elle : vous pouvez, sans être suspect, vous charger de présider à ses funérailles, et la faire enterrer dans les caveaux de Sainte-Claire. Leur solitude et la facilité de leur accès les rendent favorables à vos desseins. Donnez à Antonia ce soir le breuvage soporifique : quarante-huit heures après qu’elle l’aura bu, la vie renaîtra dans son sein ; alors elle sera absolument en votre pouvoir ; elle reconnaîtra que toute résistance est inutile, et la nécessité la poussera à vous recevoir dans ses bras. »

« Antonia sera en mon pouvoir ! » s’écria le moine. « Mathilde, vous me transportez ! Enfin donc, je connaîtrai le bonheur, et ce bonheur je le devrai à Mathilde, je le devrai à l’amitié ! Je serrerai Antonia dans mes bras, loin de tout œil indiscret, loin du supplice des importuns ! J’exhalerai mon âme sur son sein : je donnerai à son jeune cœur les premières leçons du plaisir, et je m’enivrerai à loisir de la possession de tous ses charmes !