tout à fait le cœur de la vieille, en s’engageant à veiller toute la nuit suivante dans la chambre du revenant. Jacinthe ne put trouver de termes assez forts pour exprimer sa reconnaissance, et le prieur partit chargé par elle de bénédictions.
Il était grand jour quand il revint au monastère. Son premier soin fut de faire part à sa confidente de ce qui s’était passé. Antonia lui inspirait une passion trop sincère pour qu’il eût pu entendre sans être ému la prédiction de sa mort prochaine, et il frémissait à l’idée de perdre un objet qui lui était si cher. Sur ce point Mathilde le rassura : elle confirma les arguments dont lui-même s’était déjà servi ; elle soutint qu’Antonia avait été abusée par les illusions de son cerveau, par la tristesse qui l’accablait alors, et par la pente naturelle de son esprit vers la superstition et le merveilleux. Quant au récit de Jacinthe, il se réfutait de lui-même par son absurdité. Le prieur n’hésita pas à croire qu’elle avait inventé toute l’histoire, soit dans le trouble de sa frayeur, soit dans l’espoir de le faire plus vite consentir à sa demande. Ayant triomphé des appréhensions du moine, Mathilde continua ainsi :
« La prédiction n’est pas plus vraie que le fantôme ; mais il faut avoir soin, Ambrosio, de la réaliser. Antonia dans trois jours doit, en effet, être morte pour le monde ; mais elle doit vivre pour vous : sa maladie actuelle et l’idée qu’elle s’est mise en tête favoriseront un plan que j’ai longtemps médité, mais qui était inexécutable si vous ne vous procuriez pas un accès chez elle. Antonia sera à vous, non pas pour une nuit, mais pour toujours ; toute la vigilance de sa duègne ne servira de rien ; vous jouirez en pleine liberté des charmes de votre maîtresse. C’est aujourd’hui même qu’il faut nous mettre à l’œuvre, car nous n’avons pas de temps à perdre. Le neveu du duc de