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tonia de la tranquillité et du courage, mais sans la convaincre. Elle ne pouvait pas croire que le spectre ne fût que la créature de son imagination : chaque circonstance avait fait trop d’impression sur son esprit pour qu’elle pût se flatter d’une telle espérance : elle persista à affirmer qu’elle avait réellement vu l’ombre de sa mère, qu’elle s’était entendu prédire l’époque de sa mort, et déclara qu’elle ne sortirait plus vivante de son lit. Ambrosio l’engagea à ne point entretenir de semblables pensées ; puis il quitta la chambre, après avoir promis de renouveler sa visite le lendemain. Antonia reçut cette assurance avec toutes les marques possibles de joie ; mais le moine s’aperçut aisément qu’il n’était pas aussi bien vu de la domestique. Flora obéissait aux ordres d’Elvire avec la plus scrupuleuse fidélité ; elle observait d’un œil inquiet tout ce qui semblait devoir porter le moindre préjudice à sa jeune maîtresse, à qui elle était attachée depuis bien des années. Elle était née à Cuba, elle avait suivi Elvire en Espagne, et avait pour Antonia l’affection d’une mère. Flora ne quitta pas la chambre un moment, tant que le prieur y resta : elle épiait toutes ses paroles, tous ses regards, tous ses gestes. Il remarqua qu’elle tenait attaché sur lui un œil soupçonneux ; et sentant que ses projets ne supporteraient pas une surveillante si minutieuse, il fut fréquemment confus et déconcerté : il comprenait qu’elle doutait de la pureté de ses intentions, qu’elle ne le laisserait jamais seul avec Antonia ; et croyant sa maîtresse défendue par cet argus vigilant, il désespéra de trouver le moyen d’assouvir sa passion.

Comme il sortait, Jacinthe le rencontra, et le pria de faire dire des messes pour le repos de l’âme d’Elvire, qui certainement devait souffrir dans le purgatoire.

Il promit de ne point oublier sa demande ; mais il gagna