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foule de remerciements, et ils partirent ensemble pour la rue San-Iago.

Le spectre avait fait une si forte impression sur Antonia que, les deux ou trois premières heures, le médecin déclara sa vie en danger. Enfin le retour moins fréquent des accès le fit changer d’opinion ; il dit que la seule chose nécessaire était qu’elle restât tranquille, et il ordonna une médecine qui devait calmer ses nerfs et lui procurer le repos dont elle avait en ce moment grand besoin. La vue d’Ambrosio, qui parut avec Jacinthe auprès de son lit, contribua efficacement à apaiser le trouble de son esprit. Elvire ne s’était point assez expliquée sur la nature des desseins du prieur pour faire comprendre à une fille aussi peu au fait du monde tout le danger de se lier avec lui. En ce moment où, pénétrée d’horreur par la scène qui venait de se passer, et redoutant d’arrêter sa pensée sur la prédiction du fantôme, elle avait besoin de tous les secours de l’amitié et de la religion, Antonia regarda le prieur d’un œil doublement partial. La prévention favorable qu’il lui avait inspirée à première vue existait toujours ; elle croyait, sans savoir pourquoi, que sa présence serait pour elle une sauve-garde contre le danger, l’insulte ou l’infortune. Elle le remercia vivement de sa visite, et lui raconta l’aventure dont elle avait été si gravement alarmée.

Le prieur tâcha de la rassurer et de la convaincre que le tout n’était qu’une illusion de son imagination échauffée. L’isolement dans lequel elle avait passé la soirée, l’obscurité de la nuit, le livre qu’elle lisait, et la chambre où elle se tenait, tout était de nature à lui mettre une telle vision devant les yeux. Il tourna en ridicule la croyance aux revenants, et donna de fortes preuves de la fausseté de pareilles idées. Cet entretien rendit à An-