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si elle se promène dans ma maison, il faut que je lui cède la place, car je ne peux pas endurer de telles visites — non certainement. Ainsi vous voyez, sainte personne, que sans votre assistance je suis ruinée et perdue à jamais. Je serai forcée de quitter ma maison : personne n’en voudra quand on saura qu’il y revient, et je me trouverai dans une belle situation. Misérable que je suis ! que faire ? que devenir ? »

Elle pleura amèrement, se tordit les mains, et implora l’avis du prieur.

« En vérité, bonne femme, » répondit-il, « il me sera difficile de vous soulager sans savoir ce que vous avez. Vous oubliez de me dire ce qui est arrivé, et ce que vous voulez. »

« Que je meure, » s’écria Jacinthe, « si votre sainte personne n’a pas raison. Voici donc le fait en deux mots — une de mes locataires est morte dernièrement ; une brave femme, je dois le dire, autant que je la connais, et cela ne date pas de loin : elle me tenait trop à distance ; car, en vérité, elle était toujours montée sur ses grands chevaux ; et lorsque je m’avisais de lui parler, elle avait un regard à elle qui m’a toujours fait un drôle d’effet : Dieu me pardonne de parler ainsi. Néanmoins, quoiqu’elle fût plus hautaine que de raison, et qu’elle affectât de me regarder du haut de sa grandeur (et pourtant, si je suis bien informée, elle avait beau faire, je suis née d’aussi bons parents qu’elle, car son père était cordonnier à Cordoue, et le mien était chapelier à Madrid — oui, et un très gros chapelier, je puis le dire), malgré tout son orgueil, c’était une personne tranquille et de bonne conduite, et je n’ai jamais souhaité d’avoir une meilleure locataire : aussi j’en suis d’autant plus étonnée qu’elle ne dorme pas tranquillement dans son tombeau ; mais on ne peut se fier à per-