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« Chut ! » répondit Ambrosio, mettant un doigt sur sa lèvre ; « parlez bas ; je viens de le voir : il est tombé dans un profond sommeil, qui, assurément, lui fera du bien. Ne le dérangez pas en ce moment, car il désire de reposer. »

Le pore Pablos obéit, et, entendant la cloche sonner, accompagna le prieur à matines. Ambrosio se sentit embarrassé en entrant dans la chapelle. Le péché était pour lui une chose nouvelle, et il s’imagina que tous les yeux pouvaient lire sur son visage ses méfaits de la nuit. Il essaya de prier ; la piété n’échauffait plus son sein ; ses pensées insensiblement le ramenaient aux charmes secrets de Mathilde. Mais ce qu’il avait perdu en pureté de cœur, il le remplaça par sa sainteté extérieure. Pour mieux couvrir son péché, il redoubla de semblants de vertu, et jamais il ne parut plus dévot que depuis qu’il avait violé ses engagements. Ainsi, sans y penser, il ajoutait l’hypocrisie au parjure et à l’incontinence. Il avait été entraîné à ces dernières erreurs par une séduction presque irrésistible ; mais en tâchant de cacher les fautes où un piège l’avait fait tomber, il en commettait une autre toute volontaire.

Les matines terminées, Ambrosio se retira dans sa cellule. Les plaisirs qu’il venait de goûter pour la première fois avaient laissé leur impression dans son esprit ; son cerveau était en désordre, et présentait un chaos confus de remords, de volupté, d’inquiétude et de crainte. Il jeta en arrière un coup d’œil de regret sur cette paix de l’âme, sur cette sécurité de la vertu qui, jusqu’alors, avaient été son partage ; il s’était livré à des excès dont la seule idée, vingt-quatre heures auparavant, l’aurait fait reculer d’horreur. Il frissonna en songeant que la moindre indiscrétion de sa part ou de celle de Mathilde ren-