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je ne sais quel parti prendre ; et si vous ne venez à mon secours, assurément j’en deviendrai folle. Certes, il n’y a jamais eu de femme plus malheureuse que moi ! tout ce qui était en mon pouvoir pour me préserver d’une telle abomination, je l’ai fait, et pourtant cela n’a pas suffi. À quoi sert d’avoir dit mon chapelet quatre fois par jour, et d’avoir observé tous les jeûnes prescrits par le calendrier ? À quoi sert d’avoir fait trois pèlerinages à Saint-Jacques-de-Compostelle, et d’avoir payé autant d’indulgences du pape qu’il en faudrait pour racheter la punition de Caïn ? Rien ne me réussit : tout va de travers, et Dieu seul sait si jamais rien ira droit : j’en fais juge votre sainte personne. Ma locataire meurt dans des convulsions ; par pure bonté, je la fais enterrer à mes frais (non pas qu’elle soit une de mes parentes, ou que sa mort m’enrichisse d’une pistole : je n’y ai rien gagné ; ainsi vous voyez, révérend père, que sa vie ou sa mort étaient tout un pour moi. Mais cela ne fait rien à l’affaire ; pour revenir à ce que je disais), je me suis chargée de ses funérailles, j’ai eu soin que tout se passât décemment et convenablement, et je me suis assez mise en dépense, Dieu le sait ! et comment pensez-vous que la dame me paie de ma bonté ? en refusant, s’il vous plaît, de dormir tranquillement dans son bon cercueil de sapin, comme devrait le faire un esprit paisible et bien intentionné, et en venant me tourmenter, moi qui ne désire nullement de la revoir. Vraiment, il lui sied bien d’aller faire du tapage à minuit dans ma maison, d’entrer dans la chambre de sa fille par le trou de la serrure, et d’effrayer la pauvre enfant à lui en faire perdre l’esprit ! Elle a beau être un fantôme, il n’est guère poli à elle de s’introduire chez une personne qui aime si peu sa compagnie. Mais quant à moi, révérend père, le plus clair de mon histoire est que,